Sans un mot


[Sur une suggestion d'un chuchoteur de Twitter ]


À la terrasse d'un café parisien, il attend, fébrile. 
Dans cinq minutes, elle sera là. Il espère ce moment depuis si longtemps…
Il scrute les traits de chaque femme qui passe. Il essaie de deviner qui est celle dont il ne connaît que le corps. 

Ils ont commencé à discuter sur un réseau social. Des échanges anodins au départ, puis de plus en plus personnels et intimes. 
Une rencontre est devenue rapidement une évidence. 

Ils ont choisi de garder l'anonymat. Aussi ils n'ont jamais vu le visage l'un de l'autre. Ils n'ont échangé que des photos de leurs corps : un sourire, une épaule, une hanche, un sein… Un puzzle qu’il s’est plu à reconstituer mainte et mainte fois. 

Lorsqu’ils ont fixé le rendez vous, elle lui a dit qu’elle porterait une robe rouge. Lui une chemise blanche et qu’il serait assis à la terrasse de ce fameux café. 
Alors dès qu’il capte une chevelure brune, un peu de rouge, il se tend sur sa chaise. 

Un instant lassé, il porte à ses lèvres le verre de vin. Et soudain elle est là, de l'autre côté de la place. Il reconnaîtrait sa silhouette entre mille.
D'un imperceptible signe de la tête, elle l'enjoint de la rejoindre. 
Il appelle le serveur pour régler l'addition et traverse les quelques mètres qui le sépare de celle avec qui a rendez vous. 

Enfin face à face, il lève une main pour caresser sa joue. Elle frémit, ferme les yeux. Il s’apprête à lui dire combien il la trouve belle quand elle le fait taire du bout des doigts. Elle secoue la tête de gauche à droite et lui tend la main. 
Il la saisit et elle l’entraîne vers l’hôtel tout proche. 

Dans l’ascenseur qui les emmène vers la chambre, il plonge dans son regard. Ils se frôlent, se respirent. Il n’a pas encore osé l’embrasser car il ne sait pas s’il pourra se contrôler. 

Dans le couloir, elle marche devant lui. Il regarde ses hanches rondes onduler sous le tissu léger de sa robe rouge. Il n’a qu’une envie : les saisir. 
Elle introduit la clef dans la serrure et ouvre enfin la porte. 
Les rideaux ont été tiré et il distingue à peine le lit aux draps blancs dans la pénombre. 
Elle fait quelques pas dans la chambre avant de se tourner vers lui. 

Toujours en silence, elle pose son sac sur le bureau. Puis, en le regardant droit dans les yeux, elle fait glisser les bretelles de sa robe, dévoilant ses sous vêtements en dentelle du même rouge. 

C’est un coup en plein coeur pour lui. Le désir le submerge, lui serre la gorge. Sa féminité est une invitation à la luxure. 
Mais il veut faire durer l’instant parce qu’il sait qu’il ne se reproduira jamais. Jamais il n’y aura d’autre première fois. 

Elle recule lentement jusqu’à toucher le bord du lit sur lequel elle s’assoie, posant les mains sur ses genoux. Une pose si sage qui contraste avec son indécente sensualité. 

Il retrouve enfin le contrôle de son corps. Il franchit l’espace qui les sépare et se met à genoux devant elle. Elle frôle à nouveau sa bouche de ses doigts, lui rappelant qu’il doit respecter son voeu de silence. 

Quand il pose ses lèvres sur la dentelle humide qui protège encore son sexe, elle pousse un profond soupir. 
C’est le seul son qui sortira de sa bouche. 

Parce que toute leur rencontre se déroulera sans un mot. 

Ils vont trembler, soupirer, gémir, parfois même grogner. Mais même au moment de la jouissance, aucune parole ne sera échangée. 

Et quand ils se quitteront quelques heures plus tard, c’est toujours en silence qu’il embrassera ses lèvres rouges une dernière fois. 

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